Joan Serra
« Le langage de la terre »
« Limite géométrique du
volume »
4 au 28
avril 2012
Une palette restreinte et des formes géométriques
simples, voilà ce qui frappe une fois le seuil franchi.
En effet, des parallélépipèdes et des cubes crème ou
noirs, parfois revêtus de lustre métallique ou d’or scandent l’espace de la
galerie. Mais est-ce là tout ce qu’il convient de voir ?
Non pas. En effet, à l’examen, chaque œuvre semble
être une variation d’une forme géométrique identique dont l’intérieur serait
rendu visible grâce à des crevasses ou à des déchirures. Et un examen plus
poussé révèle que cet intérieur est soit vide, soit constitué d’une sorte de
pâte remplie de bulles. Qu’est-ce donc ?
Joan SERRA, prend des blocs d’éponge de dimensions
variables qu’il va immerger dans de la porcelaine, mais aussi de la faïence
blanche ou de l’argile rouge, rendue noire par l’adjonction de manganèse, utilisée
par les céramistes catalans pour la confection des jarres, la même que celle
utilisée par Maria Bosch. Vient ensuite le temps du séchage. Celui-ci est très
long, on l’imagine aisément, compte tenu de l’épaisseur de matière. Au cours de
cette étape certaines déchirures interviennent. Ce bloc de matière ne doit rien
au modelage mais l’artiste en dirige les modifications en utilisant des matériaux
dont la densité varie de manière intrinsèque (porcelaine, argile, faïence) ou
relative du fait de l’utilisation d’un élément qui disparaît lors de la cuisson
comme le fait l’éponge. La forme ainsi obtenue peut être laissée telle quelle
ou être engobée pour en modifier la couleur ou encadrée de plaques de terre
différente pour donner l’impression qu’elle est revêtue d’une
« peau » et créer des contrastes entre le lisse de l’extérieur et le
texturé de l’intérieur. Cet intérieur qui sera révélé par la cuisson.
L’artiste, en effet, introduit une autre variable.
Celle de la température retenue. En effet, celle-ci varie du point de
vitrification minimum à partir duquel l’argile ne se dissout plus dans l’eau,
jusqu’au point de fusion ou de semi fusion de la matière. Ce processus fera
apparaître une large palette de changements dans la forme de départ, révélant
des aspects nouveaux et inattendus du jeu entre la matière et le feu.
« La dilatation et les contractions, la perte de
volume lors de la vitrification, les changements de forme induits par la
fusion, les mouvements d’une masse sur une surface instable… voilà les
conditions qui font penser à l’évolution originelle de la Terre, recréant ainsi
à l’échelle humaine le pouvoir de la nature.
Les formes existent déjà. Mon travail consiste à les
découvrir, à leur permettre d’apparaître… » affirme Joan SERRA. Ceci est
très minimaliste, comme le souhaitent les artistes de l’ « arte povera »,
sans manquer de poésie.
Eric Berthon